02 十二月 2006

le "Nouveau monde" de Terrence Malick et le mythe du "bon sauvage"

Le "nouveau monde " est un film d'une richesse et d'une complexité inépuisable. Même si un certain nombre de critiques à sa sortie, se gaussèrent du simplisme de son propos et de la naïveté du cinéaste américain qui, semble-t-il, vantait les mérites du "bon sauvage" contre les vices pléthoriques de l'homme blanc.
En effet on voit chez les "indiens" d'Amérique : ordre (obéissance au chef), harmonie (respect de la nature), beauté (des corps, danses, ...) et chez les colons britanniques (s'installant en 1607 sur cette terre qui deviendra la Virginie) exactement les valeurs inverses: désordre, déloyauté et désobéissance : chacun se dispute la direction du camp, c'est à dire le pouvoir, irrespect de la nature (on coupe les arbres pour construire le fort), violence gratuite. Apparemment la barabarie semble être du côté des colons blancs. Et d'ailleurs l'officier John Smith observant les "indiens" en tant que prisonnier, de constater: "ils méconnaissent la cupidité, le mensonge, la jalousie, ne vivent que dans l'amour et la générosité..."
Mais précisément c'est là non pas le point de vue du cinéaste, mais celui de son personnage qui fait fausse route (tout comme nos chers critiques...)car dès lors qu'un étranger vit parmi eux, les indiens sont nécessairement en représentation, alors que Smith de son côté ne voit que ce qu'il veut voir. Après tout n'est-ce pas cela qu'il est venu chercher, des indiens aussi pures et innocents que la terre vierge qui les entoure ?
Deux indices nous permettent de formuler cette hypothèse de l'incrédulité du cinéaste. Lorsque Smith est amené dans le camp des indiens, le chefs discutent entre eux: de sa mise à mort, du départ des colons ou de de leur maintien et par conséquent du partage des terres, de la mission de Pocahontas qui, puisqu'elle a pris sa défense, est chargée d'apprendre sa langue et d'en savoir plus sur lui, ses projets, etc... En d'autres termes Terrence Malick (et cest bien la première fois dans l'histoire du cinéma) leur donne une rationnalité !!! Or si les indiens sont des êtres rationnels, capables de négocier, de discuter, de mettre en place des stratégies, ils sont autant que les hommes blancs aptes à faire preuve de ruse, de mensonge et de manipulation (dont Smith est la victime sans jamais s'en rendre compte...).
La jeune Pocahontas déjà amoureuse de Smith, en disant: "l'amour peut-il mentir", admet incidemment l'existence du mensonge chez les "indiens" aussi...

24 十一月 2006

Hitchcock et la peinture: "Pas de printemps pour Marnie"

On sait au moins depuis la récente exposition consacrée à Jean Renoir, la dette du cinéma à l'égard de la peinture. Oser la comparaison ne paraît donc plus aujourd'hui ni audacieux ni incongru. S'agissant d'Alfred Hitchcok, d'aucuns mentionent généralement son goût pour les couleurs. "Pas de printemps pour Marnie" nous offre de ce point de vue des contrastes saisissants: entre le fameux sac jaune de Marnie (Tippi Hedren)et son tailleur noir, sa robe jaune également et son beau cheval noir, l'encre rouge (sang) qu'elle renverse sur son chemisier blanc, etc.
Etrangement ce ne sont pas tant ces couleurs très vives en effet qui m'ont frappé quand j'ai redécouvert ce film sur Arte hier soir, mais plutôt l'utilisation que l'auteur de "Psychose" fait de la perspective. Ce qui le rapproche non pas tant de l'expressionnisme mais plutôt de la Renaissance italienne.
la première perspective nous montre Marnie de dos (mais on devine une femme superbe...) serrant son sac (rempli de l'argent qu'elle vient de dérober): elle marche le long du quai, s'apprêtant à monter dans un train pour changer de ville et de vie, disparaître pour renaître en d'autres termes. Un détail à retenir: la ligne d'horizon est cachée par le personnage.
Dès le plan suivant, une seconde perspective: Marnie vient d'arriver à l'hôtel. On la voit marcher encore mais cette fois, le long d'un couloir. Sur la gauche une porte s'ouvre, un client sort: c'est Hitchcock lui même signant son "tableau" à sa façon... Là encore le point de fuite est invisible, mais Marnie est si belle...
La troisième perspective est vertigineuse: la scène montre Marnie en train de d'ouvrir un coffre fort alors qu'au même moment sur la gauche toujours, une femme de ménage fait son apparition et s'approche lentement vers nous, c'est à dire de notre voleuse. le suspense est à son comble...
la quatrième perspective est très serrée donnant une impression désagréable à l'oeil, de promiscuité: la ligne de crête des immeubles converge vers un point de fuite situé vers le port. Mais celui-ci est à l'évidence un décor (trucage délibérémment grossier à mon sens), nous sommes dans un studio: Marnie vient rendre visite à sa mère qui jadis accueillait de jeunes marins chez elle...
Enfin le dernier plan du film, nous montre une ultime perspective: nous sommes dans le même quartier pauvre, Marnie et son mari Mark (Sean Connery) sortent de chez la mère où nous venons d'apprendre toute la vérité sur l'enfance tragique de l'héroïne et les raisons de son traumatisme. La perspective est donc logiquement ouverte: on découvre un vrai bateau au loin (et non plus un décor en carton) et des enfants s'animent tout près. Gageons que ce procédé pictural utilisé par Hitchcock est un moyen de nous montrer que l'avenir est ouvert et plein d'espoir pour ce couple.

La peinture pense pour citer le regretté Daniel Arasse...

18 十一月 2006

Mizoguchi et Célhia de Lavarène: même combat !


Dans ce mélodrame qui obtint en 1954 un lion d'argent au festival de Venise, Mizoguchi nous raconte le destin tourmenté d'une famille dont le père gouverneur est, pour ses idées jugées trop généreuses à l'égard des paysans, disgrâcié et doit s'exiler dans une province lointaine; quant à son épouse, en tentant de le rejoindre, elle croise pour son malheur, d'odieux marchands d'esclaves qui la privent de ses deux enfants: Zushio l'aîné et sa soeur Anju. la scène mérite qu'on s'y attarde: la mère campant avec ses enfants et sa domestique dans la nuit froide, noire et menaçante (on entend le cri des loups au loin) se voit offrir l'hospitalité par une vieille dame. Celle-ci lui conseille d'éviter la forêt et ses dangers potentiels, au profit plutôt de la voie d'eau. Mais à peine a-t-elle embarqué que le batelier quitte la berge, laissant les deux enfants sur la plage, promis au destin que l'on sait. L'eau (liquide amieutique) qui symbolise l'union de la mère à son enfant, lieu d'échange de flux par excellence, marque ici comme une frontère, une rupture infranchissable (au risque de la noyade). Déjà chez Murnau ("L'aurore"), on voyait cette conception de l'eau qui sépare la ville de la campagne et surtout lieu (une barque au milieu de la rivière) qu'un mari littéralement envoûté par sa maîtresse choisit, pour tuer sa femme.
Ce genre de séparation qu'on pouvait déjà trouver scandaleux dans le Japon du XIe siècle, perdure encore aujourd'hui et à une autre échelle comme en témoigne la journaliste Célhia de Lavarène, auteur de "Un visa pour l'enfer" - Une femme combat les marchands du sexe -et présidente de l'association Stop Trafficking of People (STOP). Je lui cède très humblement la parole:
Au Liberia, passer la nuit avec une gamine de quinze ans a un prix : 300 dollars. Guerre civile, pauvreté endémique et corruption généralisée ont favorisé le plus odieux des trafics : celui des êtres humains. Les victimes viennent du Maghreb ou des pays de l'Est, attirées par des promesses d'emplois fictifs. À l'arrivée, elles se retrouvent dans des bordels, prisonnières.
J'avais déjà lutté contre la prostitution forcée en Bosnie. C'est pourquoi le chef de la mission de l'ONU au Liberia m'a sollicitée (...) Des Balkans à l'Afrique subsaharienne, les crapules sont toutes pareilles, et leurs proies sont plongées dans la même détresse. Pourtant, le Liberia, c'était pire que tout ce que j'avais vu jusqu'alors. Les pourvoyeurs de « chair fraîche », soutenus par le pouvoir en place, me narguaient. Leurs clients ? Hauts fonctionnaires libériens, diplomates, membres d'organisations humanitaires, casques bleus. Ces derniers, sûrs de leur impunité, me narguaient plus encore. Ce que j'ai vécu à Monrovia, je ne peux pas le passer sous silence. Je veux prêter ma voix à ces jeunes filles dont personne n'a jamais voulu entendre les appels à l'aide. Je veux aussi que le monde découvre la face cachée d'une mission de l'ONU dans un petit coin d'Afrique abandonné des dieux, ses procédures kafkaïennes et ses dérives...

Merci Célhia de Lavarène de nous rappeler que le journalisme est un métier noble quand il est exercé à la façon d'un Albert Londres et qu'il s'éloigne de nos animateurs vedettes de télévision...

08 十一月 2006

Abel Ferrara, Tocqueville et l'individualisme


En 1993, un jeune couple en apparence ordinaire, fait ses achats de noël dans un quartier riche de New York, pour leur petite fille qu'ils aiment tendrement. Jusque-là rien d'anoramal. Leur accent trahit vite leur origine: ils sont dominicains. Une fois la nuit tombée, ils s'empresssent de remplir de petits sachets de drogue à destination des malheureux qui n'ont pas encore leur dose du soir. On peut comparer l'attitude de ces deux personnages tirés du beau film d'Abel Ferrara et celle d'un Eichmann qui en signant des rapports administratifs, envoyait des juifs dans les camps de la mort. Dans la mesure où il ne mettait pas lui-même ces pauvres gens dans les trains, ce fonctionnaire nazi ne se sentait pas coupable du crime dont on l'accusait et niait sa participation à la solution finale. De la même façon puisque les deux héros de "Christmas" ne se chargent pas eux-mêmes de la vente directe dans la rue, ils ne se sentent pas véritablement salis ou souillés par ce commerce. Au reste chacun a sa méthode contre les remords intempestifs: le mari en accomplissant son acte de contrition à l'église, et sa femme en distribuant, avec toute la mansuétude et le dévouement qui sied, son argent à la communauté latinos.
Cette solidarité exclusive, car réservée aux latinos du quartier leur permet de s'affranchir de tout sentiment de culpabilité. Et après tout, dans une société déliquescente où tous les acteurs semblent malhonnête, y compris les représenants de la loi, leur commerce apparaît comme une activité sinon banale du moins vénielle.
En agissant ainsi, ne se souciant que du bonheur de leur couple, de leur famille, de leur communauté, et en niant les atteintes portées à la collectivité, ils forment l'illustration parfaite de ce que Tocqueville appelle l'individualisme dans son grand ouvrage sur la démocratie américaine:
L'individualisme est un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart avec sa famille et ses amis; de tel sorte que après s'être ainsi crée une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle même.
A mesure qu'on s'exclut du reste de la société, créant chacun son groupe, sa communauté, disparaît la notion de semblable, d'humanité partagée, d'intérêts communs. C'est me semble-t-il le message très pessimiste que délivre ce film. Le racisme en se nourrissant de ce type de comportement, a encore de beaux jours devant lui...

13 十月 2006

Sur le mystérieux silence de Descartes

Généralement lorsqu'il s'agit de fustiger le rôle néfaste de l'Eglise dans le développement "normal" de la science, on cite volontiers deux exemples célèbres: le procès de Galilée (1633) et l'exil de Descartes en Hollande à la même période. Je propose ici d'en discuter la pertinence.
C'est en effet peu dire que le premier événement fut une défaite de la science. Galilée souhaitant imposer les idées de Copernic notamment sur l'héliocentrisme, est, malgré la forte amitié qui le lie au pape Urbain VIII, sommé de se rétracter tant son ouvrage paraît aux antipodes des Ecritures saintes... Pour autant il faut ajouter à la décharge de l'Eglise, qu'après 1633, il n'y aura plus jamais de procès de ce genre.

S'agissant cette fois du voyage de Descartes, on peut lire encore aujourd'hui dans les manuels qu'il aurait rejoint une terre protestante afin d'éviter les persécutions de l'Eglise tridentine. Mais si en 1633, après le procès de Galilée, il renonce effectivement à publier son Traité du Monde, où il admettait l'héliocentrisme, force est de préciser que le philosophe est au pays de Rembrandt depuis 1629 (il y reste 20 ans avant d'aller mourir en Suède en 1650). Dès lors on peut s'interroger: à quoi bon s'exiler, si une fois à l'abri, on se refuse à jouir de la liberté nouvellement acquise... C'est un peu comme-ci Hugo dans son exil à Jersey n'avait rien écrit de dangereux contre Napoléon III, se limitant à boire du Bordeaux entre deux séances de spiritisme. Souvenons-nous (pour le plaisir) de ces quelques vers:
Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,
La voix qui dit: malheur! la bouche qui dit: non !
Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,
Moi, je te montrerai, César, ton cabanon.
Alors comment expliquer le long silence de Descartes ? Appelons J-F Revel à la rescousse: Leibniz, nous dit l'auteur d'une remarquable Histoire de la philosophie, rapporte que "Descartes a quitté Paris, pour n'y plus rencontrer Roberval". Bigre ! Ce dernier appartenait à la nouvelle école de physique qui favorisait l'expérimentation et se défiait des principes trop généraux. En résumé, il semble bien que Descartes détestait ce qui fait pourtant avancer la science, c'est à dire la confrontation des idées. Sa thébaïde hollandaise n'avait pas d'autres motifs que de l'isoler de ses pairs. En rendre responsable l'Eglise, c'est nourrir le mythe de Descartes (véritable icône de de la science vicitime de l'intolérance religieuse) mais pas nécessairement la vérité des faits.

30 九月 2006

Man on fire : trois niveaux de lecture


Tony Scott a realisé un film qui comporte au moins trois niveaux de lecture.
Au premier niveau, on voit un homme, John Creasy (Denzel Washington), ex-agent de la CIA,alcoolique, plutôt dépressif, bref: à deux pas tu trépas. De passage à Mexico, il se laisse pourtant convaincre par son vieil ami Rayburn (Christopher Walken) d'être le garde du corps de la petite fille d'un riche industriel, Pita Ramos. Creasy malgré ses réticences, devient comme on s'y attendait l'ami de Pita. L'homme semble renaître, il sourit à nouveau et reprend goût à la vie. Jusqu'au jour maudit où, de retour de son cours de piano, elle est enlevée puis assassinée par une obscure organisation, alors que Creasy gît, inconscient, sur un lit d'hôpital. A son réveil, une idée fixe: tuer les responsables, éliminer tous les obstacles. Son ami Rayburn résume bien alors la psychologie de Creasy:
chacun dit-il en substance est doué pour quelque chose. Creasy lui, c'est le meurtre. C'est un artiste en son genre et là il va accomplir son chef-d'oeuvre...

Le deuxième niveau s'adresse à ceux qui ont vu un film antérieur, aujourd'hui considéré comme un classique: "The king of New York" de Albel Ferrara. Cette fois Christopher Walken a le premier rôle, celui d'un homme (Frank White) qui sort de prison et décide de reprendre le contrôle du trafic de drogue sur toute la ville. White et Creasy ont plus d'un point en commun: il sont tous les deux aussi déterminés, quand le premier élimine méthodiquement ses concurrents, le second tue, impassible, tous les gens mêlés dans cette histoire d'enlèvement. Quand White, au nom angélique, devient idéaliste (il veut rénover un hôpital pour les pauvres) Creasy traverse une sorte de crise mystique....Mais surtout les deux mourront de la même façon: White, blessé au ventre, et poursuivit par la police se réfugie dans un taxi (métaphore du cercueil) où il s'endort défintivement. Creasy, lui aussi blessé, meurt complètement apaisé dans une voiture (échappant ainsi à la mort plus brutale qui l'attendait...)

Le troisième niveau ou troisième étage a en effet une dimension plus céleste, plus religieuse. Creasy est au début du film un homme perdu ("crazy"), à la barbe hirsute, au regard vide. Traversant le désert mexicain avec sa bible, cet ancien tueur pétri de remords répète à son ami: "Dieu nous pardonnera-t-il pour ce que nous avons fait...."
Il ne semble alors plus maître de son destin, se laissant conduire jusqu'à son vieil ami Rayburn qui lui proposera ce job. Mais beaucoup plus surprenant, alors qu'il tente de se suicider, la balle reste mystérieusement coincée dans son révolver...
On comprend vite que ce miraculé, qui aurait dû mourir lors de l'enlèvement de Pita (il prend tout de même plusieurs balles dans la poitrine !!!) ne peut décidément pas partir avant d'accomplir son ultime mission parmi nous: le sacrifice de sa propre vie pour en sauver une autre. D'ailleurs John Creasy n'a-t-il pas les mêmes initiales que Jésus Christ....

20 九月 2006

Johnnie To, Benoît XVI et la guerre des médias

"Breaking news" présenté à Cannes en 2004, nous montre en plan séquence, une bande de jeunes gangsters ouvrant le feu sur la police. Rien de bien nouveau, sauf que des caméras sont là et filment les échanges de tirs. Dans le reportage diffusé le soir à la télévision, la police semble dépassée, et même humiliée (on voit un policier-père de famille suppliant un des gangsters de l'épargner...)
Naît d'emblée dans la ville un sentiment d'insécurité qui oblige la police à répliquer en orchestrant l'arrestation de ces criminels en direct à la télévision.
Une guerre médiatique oppose bientôt la police contrôlant et distribuant des reportages aux chaînes de télévision (qui montrent naturellement l'héroïsme de ses agents) et les gangsters qui depuis un immeuble où ils sont repérés envoient via internet, des images démantant la version de la police.

Johnny To pose le problème de la vérité de ces images, de la manipulaiton des médias et de leur rôle dans l'exacerbation de la violence. C'est là que nous rejoignons Benôit XVI: un homme (pas ordinaire, il est pape) fait une conférence dans une université de Ratisbonne. le sujet ? assez classique: la foi et la religion. Sur un texte assez long (que peu de gens ont pris la peine de lire...), il fait une citation de 3 ou 4 lignes pour illustrer son propos (l'islam et la violence).
Les médias décident alors que c'est un événement, l'information est diffusée dans le monde entier, les musulmans jusqu'en Indonésie se sentent humiliés et plutôt que de répliquer par un dialogue construit et argumenté, on se lance dans une guerre médiatique: l'éffigie du pape est brûlée (ce qui conforte plutôt la thèse - ridicule - de la violence consubstantielle de l'islam...)

En bref on se trompe encore de débat en France: la question à mon sens, n'est pas l'islam et la violence mais la responsabilité des médias dans le déclenchement et l'exacerbation de la violence.

06 九月 2006

Günter Grass n'est pas l'Etranger




Günter Grass a récemment révélé son appartenance à la Waffen SS, à l'âge de 17 ans. On le sait bien, la jeunesse est le temps des toquades (Talleyrand n'a-t-il pas été jeune sa vie durant ?) néanmoins ce qui surprend le plus, c'est de réussir à le "dissimuler pendant soixante ans tout en distribuant des leçons de morale aux Allemands, en traquant partout les nazis ou suspects de l'être et les néo-nazis et crypto-nazis,..." (Guy Sorman).
Si l'écrivain allemand a menti pendant 60 ans, Meursaut le héros de Camus (lui aussi prix nobel de littérature) dans "l'Etranger", lui semble en être incapable. Lorsque Marie lui demande s'il l'aime, il répond que cela ne signifie rien pour lui, mais que "probablement non". D'ailleurs Meursaut n'est pas jugé pour le meurtre de l'Arabe sur la plage, mais bien plutôt pour n'avoir visiblement rien ressenti lors de l'enterrement de sa mère excepté "de l'énnui". On lui reproche donc son insensibilité ou pire comme le dit Camus lui-même, le fait qu'il refuse de jouer le jeu ou de sauver les apparences pour le dire autrement. Un homme qui ne pleure pas, qui fume et boit un café au lait devant la tombe de sa mère est étranger à la société que nous formons, il faut donc l'éliminer selon l'avocat général.
Si Meuraut n'est pas un saint, loin s'en faut, il refuse de juger ses contemporains (posture qui semble chez lui totalement naturelle) alors que ceux-ci ne s'en privent pas. Au reste, c'est un être qui n'est pas indifférent aux choses, il aime le soleil, prendre des bains de mer avec Marie, etc. Au fond il vit pleinement dans le présent et se défie des idées trop abstraites (les croyances religieuses du juge d'instruction pour qui Meursaut est l'"Antéchrist", celles de l'aumonier, les grands principes de l'avocat général, etc.) qui lui passent au-dessus de la tête.
Inutile de dire que ma préférence va au matérialisme épicurien de Meursaut (ou de Camus ?) et que décidément je me méfierai toujours des donneurs de leçons à l'instar de Günter Grass.

25 八月 2006

"Une femme est une femme", un film n'est qu'un film ?






J'ai vu cette comédie qui n'est pas si légère que cette affiche ainsi que le nom du personnage d'Anna Karina (Angela) pourraient le laisser penser...

Il faut se rappeler qu'en 1960, Godard a déjà réalisé "Le petit soldat", mais censuré ( il aborde explicitement les "événements" d'Algérie), le film ne sortira qu'en 1963. Entre temps il réalise "Une femme est une femme", film dans lequel l'Histoire n'est pas tout à fait absente. Pour preuve, la scène où deux agents de police font brusquement irruption dans l'appartement du jeune couple que forme Angela et Emile. Ceux-là expliquent très soupçonneux, qu'un attentat a été commis depuis une fenêtre (on pense alors à l'OAS ou au FLN). Et avant de partir l'un d'entre eux reproche à Emile de lire l'Humanité. Le film semble s'arrêter alors tant le changement de ton est brutal, avant de reprendre très vite sur les notes de Michel Legrand.

Par conséquent Godard à travers ces 2 agents de police fait à la fois allusion aux "événements" d'Algérie, et à la censure dont il a été la victime et qu'il invite dans son film le temps d'une scène. Comment ne pas être admiratif ?

23 八月 2006

"Rome ville ouverte"

J’ai regardé « Rome Ville ouverte » de Rossellini. L'historien Shlomo Sand qui critique sévèrement ce film a probablement raison : Rossellini ne veut pas parler de l’Italie mussolinienne, mais de l’Italie occupée par les nazis à partir de 1943.
Il nous montre deux figures héroïques : un curé résistant et un ingénieur communiste qui paieront cher leur engagement (le premier excéxuté, le second torturé jusqu’à la mort). Tout le pays semble ligué, y compris les enfants, contre l’Allemagne nazie et un seul personnage collabore : une femme d’ailleurs lesbienne et droguée...
Comme chez Visconti plus tard, le chef des SS est très efféminé. On établit donc un lien entre le mal et le sexe, nazisme, pornographie, (à souligner que le récent film allemand sur les derniers jours de Hitler dans son bunker, "la Chute", gomme toute allusion sexuelle…) et sentiment de décadence.
Pour autant il faut dire, à la charge de Rossellini, que certains détails l’éloignent parfois de la caricature. Je pense au personnage de l’officier allemand à qui on explique que l’Italien parlera sous la torture car il appartient à la race des esclaves alors que les allemands eux, sont tous des seigneurs. Il récuse ce préjugé et dénonce glogablement la haine qui causera la perte de l’Allemagne. Rossellini nous montre là un nazi qui n’est pas un vulgaire obsédé sexuel, (ce qui est exactement le jugement que le premier Mussolini portait à l’égard de Hitler avant le rapprochement à venir et que les cinéastes italiens ont longtemps illustré) psychologiquement plus complexe, sans quoi il ne serait pas Rossellini.

29 七月 2006

moi

20 七月 2006

Hommage à Imamura, retour sur 50 ans de cinéma japonais

Depuis 1945 se distinguent nettement 4 périodes du cinéma japonais, reflet direct du contexte historique, de la conjoncture économique et de l'évolution de la société. Je voudrais ici évoquer le cinéma de Shôhei Imamura (auteur de 20 films, mort en mai dernier à 79 ans) à la lumière de ces différentes périodes.
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Période I :l'apogée jusqu'aux années 1950
Dans la nouvelle constitution entrée en vigueur la 3 mai 1947, la souveraineté populaire est posée comme principe fondamental et l'empereur, dépouillé de son pouvoir absolu, n'est plus que "le symbole de l'Etat et l'unité du peuple". En avril 1946, des élections au suffrage universel ont lieu auxquelles les femmes participent pour la première fois. Devant le changement du rapport de force en Extrême-orient (victoire des communistes chinois en 1949, puis guerre de Corée) le Japon, qui recouvre sa souveraineté et le droit d'assurer sa défense (traité de SAn Francisco du 8 septembre 1951) est admis à l'ONU en 1956.En outre, dès les années 1950 les japonais connaisent un miracle économique grâce à l'aide américaine. Qu'en est-il du cinéma ?
Il profite indubitablement du départ des américains et de la fin de la censure exercée par le SCAP (organe de surveillance américian) et peut enfin s'exprimer sur le traumatisme de 1945. Le Nikkyôsô (fédération syndicale des enseignants, appui principal du parti socialiste qui encore aujourd'hui mène une lutte acharnée contre les tentatives constantes du ministère de l'Education pour replacer les valeurs traditionnelles au centre de l'enseignement) commande alors 2 films pour dépeindre la tragédie d'Hiroshima. Les productions de cette fructueuse décennie insistent sur la dénonciation de la guerre, narrent les exploits de l'armée impériale de façon héroïque ou illustrent avec complaisance le rôle prêté à Hirohito par la vérité officielle.
En 1961, Imamura dans Cochons et cuirassés montre la barbarie des américians qui violent les femmes avec une cruauté inouïe et corrompent le Japon. Le cinéma est au sommet avec 500 films par an, 5000 salles et un total d'un millliard d'entrées (1958). Néanmoins les 4 grandes compagnies de production imposent une standardisation de la production et des genres à succès très répétitifs (films de samouraïs, de gangsters, de jeunes, de monstres et films "sociaux") qui provoquent la sclérose du cinéma japonais.
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Période II: le mai 68 japonais
Cette période est marquée par la crise contestataire mondiale (les hippies américians, les étudians en France de mai 68, etc.) qui n'épargne pas notre île volcanique. En réaction contre les majors qui financent des films de plus en plus stéréotypés, de jeunes réalisateurs ont l'heureuse idée de créer leur propre maison de production (l'ATG). les films abordent alors les affres d'une jeunesse regimbeuse, délinquante et nihiliste. Imamura lui, se passionne pour la libération sexuelle de la femme et les violences exercées contre elles par la société mâle dans son film le Désir meurtrier.
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Période III:le temps du conformisme
Elle voit l'apparition d'une nouvelle mentalité conservatrice qui chez les jeunes se cristalllise dans le refus du radicalisme et l'abandon du désir de changer le monde. Il faut dire que le régime politique est d'une incroyable stabilité (les conservatuers du PLD né en 1955, restent au pouvoir jusqu'en 1993) dont l'Italie dominée par la Démocratie chrétienne pourrait offrir un exemple comparable. Le Japon est la deuxième puissance économique depuis à peine deux générations notamment grâce à un taux d'épargne très élevé et des investissement importants dans les secteurs clés. Tous ces épargnants forment ce que Jean-Marie Bouissou appelle une "nouvelle masse moyenne" dont les préoccupations essentielles sont: le maintien de l'ordre, la paix social et le développement économique. Ce changement de mentalité se traduit en 1975 par la faillite d'un véritable symbole qui avait produit beaucoup de films contestataires de la "nouvelle vague" : l'ATG. La standardisation de la production est au faîte de sa médiocrité. Le film érotique jugé scandaleux dans la période précédente s'assagit, si bien qu'en 1980 parmi 300 films tournés , les 2/3 sont des productions érotiques. Les grands cinéastes impécunieux en font les frais: ils ne trouvent plus de producteurs (Kurosawa tourne Kagemusha - palme d'or à Cannes en 1980 - grâce à l'argent de Francis Coppola). Les films forts qui font exception, traitent du désarroi de personnes à la dérive privés de buts ou engagés dans une errance mortelle ponctuée d'orgies de violence. La vengenace est à moi tourné en 1979 par Imamura est ici emblématique.
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Période IV: l'année 1989 "révolutionnaire" aussi au Japon
La mort de l'emperereur Hirohito coïncide avec la fin des certitudes sur lesquelles le Japon de l'après-guerre s'était construit: croissance économique, stabilité politique, humilité diplomatique. Ce changement d'ère plonge toute la société dans un état de stress dont comme toujours, tentent de profiter les nationalistes. Imamura est mis au pilori. Son oeuvre est en proie aux attaques de conservateurs furibonds qui lui reprochent de ne pas aimer son pays. Ainsi dans la Bataille de Narayama (1983), on fustige sa vision très noire du village traditionnel.
Pour autant ces critiques ne l'empêchent pas d'obtenir une palme d'or à Cannes puis une seconde pour l'Anguille en 1997 (moment où la croissance japonaise afficha son recul le plus fort depuis 1974).
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Après l'euphorie créatrice de l'après-guerre, la "nouvelle vague japonaise", puis le déclin lié à la standardisation excessive de la production, le cinéma japonais renaîtra-t-il de cette période d'atermoiements qu'il vit actuellement, fruit de la crise politique, économique et sociale (dont il commence à peine de sortir), et de l'absence d'une nouvelle génération de cinéastes aussi inspirée qu'Imamura ?

19 七月 2006

CHIRAC VU PAR ARON ET MOI


R. Aron partageait avec quelques autres un talent rare: celui de cerner la vérité d'un homme en très peu de lignes toujours étincelantes.
Pour preuve, on peut lire dans ses mémoires un portrait de Chirac :

"quelque peu radical socialiste par la manière dont il avait flatté les paysans, démagogue des grandes villes par son style battant et sa capacité presque infinie à serrer des mains, toujours en quête d'un slogan électoral qu'il abandonne quelques jours après l'avoir inventé, force de la nature et force politique dont nous pouvions attendre et craindre beaucoup"

C'est stupéfiant, l'hommme n'a pas changé, loin s'en faut: on retrouve sa bienveillance - sans doute sincère - envers les paysans (renouvelée au gré des salons de l'agriculture), la capacité olympique du président-thaumaturge à serrer toutes les mains qui se présentent, son goût pour le pouvoir et ses formules électorales éphémères (la fracture sociale, ...).
Cependant Aron se trompe sur un point: il semble considérer que son avenir politique sera bref...Et quand on songe à sa postérité, sa trace, son héritage, un détour par le cinéma s'impose: Woody et les robots
Dans ce film Miles Monroe (Woody Allen) a été conservé cryogèniquement après un incident à l'hôpital. Il se réveille 200 ans plus tard et découvre un futur orwellien. Un savant lui pose alors des questions sur les années 1950 à partir de vieilles photographies. Miles fait le commentaire suivant sur de Gaulle : un cuisinier français.
On peut penser que si on lui avait montrer un portrait de Chirac, il aurait répondu aussi lapidaire: fan de foot.

l'oreille et la connaissance

Samedi 15 juillet, je suis allé me promener du côté du parc floral de Vincennnes qui accueille comme chaque année et à la même saison le Paris Jazz festival.
Au vrai, ce n'est pas le hasard qui guidait mes pas, mais plutôt le désir d'écouter le trio du guitariste Misja Fitzgerald-Michel. Quelques mois auparavant, la lecture d'un article assez élogieux de Michel Contat m'avait en effet signalé son existence.
En arrivant sous le chapiteau un peu avant 15h, je découvre qu'il n'y a nulle place où s'assoir. Je me tourne alors vers un agent (facile à repérer: il sont 4 ou 5, assez jeunes, en costume noir malgré la chaleur torride qui règne ici) en lui faisant remarquer qu'environ le tiers des places assises sont occupés par des sacs ! Il me répond avec un accent belge, qu'il ne souhaite pas provoquer une guerre civile (je renonce très vite fasciné par son allure et sa concentration extrême: raide comme un pic il s'interdisait le moindre mouvement qui l'aurait transformé en éponge).
Deux pensées contradictoires me consolent alors : être debout à 20m de la scène, n'est-ce pas la meilleure façon d'apprécier cette musique ? Et puis ce trio est si austère qu'il chassera nécessairement les indécis et autres badauds avant le troisième morceau.
Je dois admettre que j'ai perdu mon pari: le public du parc floral n'a pas bougé sauf pour applaudire ou bien tourner les pages des romans d'été qu'il vient ici déflorer. Seconde déception : la musique était belle, certes, pour autant lorsque je fermais les yeux j'avais l'impression étrange d'entendre non pas Misja Fitzgerald-Michel mais plutôt Pat Metheny trio. Il est normal après tout qu'un tel guitariste engendre une série d'épigones mais dans ce cas, parler de clone serait plus juste: le même son que Metheny , le même touché, la même coupe de cheveux (en plus court), les mêmes influences (Ornette Coleman, John Coltrane, ...). Ce jeune guitariste est une caricature, mais le sait-il ?
Pour terminer, je pense après J. -F. Revel que juger une oeuvre d'art ou un artiste nécessite la conjonction de l'oeil (l'oreille) et de la connaissance. En effet on ne peut se contenter de ses sens ou de son intuition pour avoir un jugement critique pertinent, sinon n'importe quel imposteur s'agitant sur une scène pourrait passer pour un pur génie.
Apprécier l'art nécessite d'en connaître un peu l'histoire afin de mieux comparer puis de hiérarchiser les artistes entre eux: les artistes révolutionnaires d'un côté qui inventent réellement quelque chose, et de l'autre les modestes artisans qui leur emboîtent le pas.