13 十月 2006

Sur le mystérieux silence de Descartes

Généralement lorsqu'il s'agit de fustiger le rôle néfaste de l'Eglise dans le développement "normal" de la science, on cite volontiers deux exemples célèbres: le procès de Galilée (1633) et l'exil de Descartes en Hollande à la même période. Je propose ici d'en discuter la pertinence.
C'est en effet peu dire que le premier événement fut une défaite de la science. Galilée souhaitant imposer les idées de Copernic notamment sur l'héliocentrisme, est, malgré la forte amitié qui le lie au pape Urbain VIII, sommé de se rétracter tant son ouvrage paraît aux antipodes des Ecritures saintes... Pour autant il faut ajouter à la décharge de l'Eglise, qu'après 1633, il n'y aura plus jamais de procès de ce genre.

S'agissant cette fois du voyage de Descartes, on peut lire encore aujourd'hui dans les manuels qu'il aurait rejoint une terre protestante afin d'éviter les persécutions de l'Eglise tridentine. Mais si en 1633, après le procès de Galilée, il renonce effectivement à publier son Traité du Monde, où il admettait l'héliocentrisme, force est de préciser que le philosophe est au pays de Rembrandt depuis 1629 (il y reste 20 ans avant d'aller mourir en Suède en 1650). Dès lors on peut s'interroger: à quoi bon s'exiler, si une fois à l'abri, on se refuse à jouir de la liberté nouvellement acquise... C'est un peu comme-ci Hugo dans son exil à Jersey n'avait rien écrit de dangereux contre Napoléon III, se limitant à boire du Bordeaux entre deux séances de spiritisme. Souvenons-nous (pour le plaisir) de ces quelques vers:
Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,
La voix qui dit: malheur! la bouche qui dit: non !
Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,
Moi, je te montrerai, César, ton cabanon.
Alors comment expliquer le long silence de Descartes ? Appelons J-F Revel à la rescousse: Leibniz, nous dit l'auteur d'une remarquable Histoire de la philosophie, rapporte que "Descartes a quitté Paris, pour n'y plus rencontrer Roberval". Bigre ! Ce dernier appartenait à la nouvelle école de physique qui favorisait l'expérimentation et se défiait des principes trop généraux. En résumé, il semble bien que Descartes détestait ce qui fait pourtant avancer la science, c'est à dire la confrontation des idées. Sa thébaïde hollandaise n'avait pas d'autres motifs que de l'isoler de ses pairs. En rendre responsable l'Eglise, c'est nourrir le mythe de Descartes (véritable icône de de la science vicitime de l'intolérance religieuse) mais pas nécessairement la vérité des faits.