19 七月 2006

l'oreille et la connaissance

Samedi 15 juillet, je suis allé me promener du côté du parc floral de Vincennnes qui accueille comme chaque année et à la même saison le Paris Jazz festival.
Au vrai, ce n'est pas le hasard qui guidait mes pas, mais plutôt le désir d'écouter le trio du guitariste Misja Fitzgerald-Michel. Quelques mois auparavant, la lecture d'un article assez élogieux de Michel Contat m'avait en effet signalé son existence.
En arrivant sous le chapiteau un peu avant 15h, je découvre qu'il n'y a nulle place où s'assoir. Je me tourne alors vers un agent (facile à repérer: il sont 4 ou 5, assez jeunes, en costume noir malgré la chaleur torride qui règne ici) en lui faisant remarquer qu'environ le tiers des places assises sont occupés par des sacs ! Il me répond avec un accent belge, qu'il ne souhaite pas provoquer une guerre civile (je renonce très vite fasciné par son allure et sa concentration extrême: raide comme un pic il s'interdisait le moindre mouvement qui l'aurait transformé en éponge).
Deux pensées contradictoires me consolent alors : être debout à 20m de la scène, n'est-ce pas la meilleure façon d'apprécier cette musique ? Et puis ce trio est si austère qu'il chassera nécessairement les indécis et autres badauds avant le troisième morceau.
Je dois admettre que j'ai perdu mon pari: le public du parc floral n'a pas bougé sauf pour applaudire ou bien tourner les pages des romans d'été qu'il vient ici déflorer. Seconde déception : la musique était belle, certes, pour autant lorsque je fermais les yeux j'avais l'impression étrange d'entendre non pas Misja Fitzgerald-Michel mais plutôt Pat Metheny trio. Il est normal après tout qu'un tel guitariste engendre une série d'épigones mais dans ce cas, parler de clone serait plus juste: le même son que Metheny , le même touché, la même coupe de cheveux (en plus court), les mêmes influences (Ornette Coleman, John Coltrane, ...). Ce jeune guitariste est une caricature, mais le sait-il ?
Pour terminer, je pense après J. -F. Revel que juger une oeuvre d'art ou un artiste nécessite la conjonction de l'oeil (l'oreille) et de la connaissance. En effet on ne peut se contenter de ses sens ou de son intuition pour avoir un jugement critique pertinent, sinon n'importe quel imposteur s'agitant sur une scène pourrait passer pour un pur génie.
Apprécier l'art nécessite d'en connaître un peu l'histoire afin de mieux comparer puis de hiérarchiser les artistes entre eux: les artistes révolutionnaires d'un côté qui inventent réellement quelque chose, et de l'autre les modestes artisans qui leur emboîtent le pas.