29 七月 2006

moi

20 七月 2006

Hommage à Imamura, retour sur 50 ans de cinéma japonais

Depuis 1945 se distinguent nettement 4 périodes du cinéma japonais, reflet direct du contexte historique, de la conjoncture économique et de l'évolution de la société. Je voudrais ici évoquer le cinéma de Shôhei Imamura (auteur de 20 films, mort en mai dernier à 79 ans) à la lumière de ces différentes périodes.
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Période I :l'apogée jusqu'aux années 1950
Dans la nouvelle constitution entrée en vigueur la 3 mai 1947, la souveraineté populaire est posée comme principe fondamental et l'empereur, dépouillé de son pouvoir absolu, n'est plus que "le symbole de l'Etat et l'unité du peuple". En avril 1946, des élections au suffrage universel ont lieu auxquelles les femmes participent pour la première fois. Devant le changement du rapport de force en Extrême-orient (victoire des communistes chinois en 1949, puis guerre de Corée) le Japon, qui recouvre sa souveraineté et le droit d'assurer sa défense (traité de SAn Francisco du 8 septembre 1951) est admis à l'ONU en 1956.En outre, dès les années 1950 les japonais connaisent un miracle économique grâce à l'aide américaine. Qu'en est-il du cinéma ?
Il profite indubitablement du départ des américains et de la fin de la censure exercée par le SCAP (organe de surveillance américian) et peut enfin s'exprimer sur le traumatisme de 1945. Le Nikkyôsô (fédération syndicale des enseignants, appui principal du parti socialiste qui encore aujourd'hui mène une lutte acharnée contre les tentatives constantes du ministère de l'Education pour replacer les valeurs traditionnelles au centre de l'enseignement) commande alors 2 films pour dépeindre la tragédie d'Hiroshima. Les productions de cette fructueuse décennie insistent sur la dénonciation de la guerre, narrent les exploits de l'armée impériale de façon héroïque ou illustrent avec complaisance le rôle prêté à Hirohito par la vérité officielle.
En 1961, Imamura dans Cochons et cuirassés montre la barbarie des américians qui violent les femmes avec une cruauté inouïe et corrompent le Japon. Le cinéma est au sommet avec 500 films par an, 5000 salles et un total d'un millliard d'entrées (1958). Néanmoins les 4 grandes compagnies de production imposent une standardisation de la production et des genres à succès très répétitifs (films de samouraïs, de gangsters, de jeunes, de monstres et films "sociaux") qui provoquent la sclérose du cinéma japonais.
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Période II: le mai 68 japonais
Cette période est marquée par la crise contestataire mondiale (les hippies américians, les étudians en France de mai 68, etc.) qui n'épargne pas notre île volcanique. En réaction contre les majors qui financent des films de plus en plus stéréotypés, de jeunes réalisateurs ont l'heureuse idée de créer leur propre maison de production (l'ATG). les films abordent alors les affres d'une jeunesse regimbeuse, délinquante et nihiliste. Imamura lui, se passionne pour la libération sexuelle de la femme et les violences exercées contre elles par la société mâle dans son film le Désir meurtrier.
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Période III:le temps du conformisme
Elle voit l'apparition d'une nouvelle mentalité conservatrice qui chez les jeunes se cristalllise dans le refus du radicalisme et l'abandon du désir de changer le monde. Il faut dire que le régime politique est d'une incroyable stabilité (les conservatuers du PLD né en 1955, restent au pouvoir jusqu'en 1993) dont l'Italie dominée par la Démocratie chrétienne pourrait offrir un exemple comparable. Le Japon est la deuxième puissance économique depuis à peine deux générations notamment grâce à un taux d'épargne très élevé et des investissement importants dans les secteurs clés. Tous ces épargnants forment ce que Jean-Marie Bouissou appelle une "nouvelle masse moyenne" dont les préoccupations essentielles sont: le maintien de l'ordre, la paix social et le développement économique. Ce changement de mentalité se traduit en 1975 par la faillite d'un véritable symbole qui avait produit beaucoup de films contestataires de la "nouvelle vague" : l'ATG. La standardisation de la production est au faîte de sa médiocrité. Le film érotique jugé scandaleux dans la période précédente s'assagit, si bien qu'en 1980 parmi 300 films tournés , les 2/3 sont des productions érotiques. Les grands cinéastes impécunieux en font les frais: ils ne trouvent plus de producteurs (Kurosawa tourne Kagemusha - palme d'or à Cannes en 1980 - grâce à l'argent de Francis Coppola). Les films forts qui font exception, traitent du désarroi de personnes à la dérive privés de buts ou engagés dans une errance mortelle ponctuée d'orgies de violence. La vengenace est à moi tourné en 1979 par Imamura est ici emblématique.
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Période IV: l'année 1989 "révolutionnaire" aussi au Japon
La mort de l'emperereur Hirohito coïncide avec la fin des certitudes sur lesquelles le Japon de l'après-guerre s'était construit: croissance économique, stabilité politique, humilité diplomatique. Ce changement d'ère plonge toute la société dans un état de stress dont comme toujours, tentent de profiter les nationalistes. Imamura est mis au pilori. Son oeuvre est en proie aux attaques de conservateurs furibonds qui lui reprochent de ne pas aimer son pays. Ainsi dans la Bataille de Narayama (1983), on fustige sa vision très noire du village traditionnel.
Pour autant ces critiques ne l'empêchent pas d'obtenir une palme d'or à Cannes puis une seconde pour l'Anguille en 1997 (moment où la croissance japonaise afficha son recul le plus fort depuis 1974).
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Après l'euphorie créatrice de l'après-guerre, la "nouvelle vague japonaise", puis le déclin lié à la standardisation excessive de la production, le cinéma japonais renaîtra-t-il de cette période d'atermoiements qu'il vit actuellement, fruit de la crise politique, économique et sociale (dont il commence à peine de sortir), et de l'absence d'une nouvelle génération de cinéastes aussi inspirée qu'Imamura ?

19 七月 2006

CHIRAC VU PAR ARON ET MOI


R. Aron partageait avec quelques autres un talent rare: celui de cerner la vérité d'un homme en très peu de lignes toujours étincelantes.
Pour preuve, on peut lire dans ses mémoires un portrait de Chirac :

"quelque peu radical socialiste par la manière dont il avait flatté les paysans, démagogue des grandes villes par son style battant et sa capacité presque infinie à serrer des mains, toujours en quête d'un slogan électoral qu'il abandonne quelques jours après l'avoir inventé, force de la nature et force politique dont nous pouvions attendre et craindre beaucoup"

C'est stupéfiant, l'hommme n'a pas changé, loin s'en faut: on retrouve sa bienveillance - sans doute sincère - envers les paysans (renouvelée au gré des salons de l'agriculture), la capacité olympique du président-thaumaturge à serrer toutes les mains qui se présentent, son goût pour le pouvoir et ses formules électorales éphémères (la fracture sociale, ...).
Cependant Aron se trompe sur un point: il semble considérer que son avenir politique sera bref...Et quand on songe à sa postérité, sa trace, son héritage, un détour par le cinéma s'impose: Woody et les robots
Dans ce film Miles Monroe (Woody Allen) a été conservé cryogèniquement après un incident à l'hôpital. Il se réveille 200 ans plus tard et découvre un futur orwellien. Un savant lui pose alors des questions sur les années 1950 à partir de vieilles photographies. Miles fait le commentaire suivant sur de Gaulle : un cuisinier français.
On peut penser que si on lui avait montrer un portrait de Chirac, il aurait répondu aussi lapidaire: fan de foot.

l'oreille et la connaissance

Samedi 15 juillet, je suis allé me promener du côté du parc floral de Vincennnes qui accueille comme chaque année et à la même saison le Paris Jazz festival.
Au vrai, ce n'est pas le hasard qui guidait mes pas, mais plutôt le désir d'écouter le trio du guitariste Misja Fitzgerald-Michel. Quelques mois auparavant, la lecture d'un article assez élogieux de Michel Contat m'avait en effet signalé son existence.
En arrivant sous le chapiteau un peu avant 15h, je découvre qu'il n'y a nulle place où s'assoir. Je me tourne alors vers un agent (facile à repérer: il sont 4 ou 5, assez jeunes, en costume noir malgré la chaleur torride qui règne ici) en lui faisant remarquer qu'environ le tiers des places assises sont occupés par des sacs ! Il me répond avec un accent belge, qu'il ne souhaite pas provoquer une guerre civile (je renonce très vite fasciné par son allure et sa concentration extrême: raide comme un pic il s'interdisait le moindre mouvement qui l'aurait transformé en éponge).
Deux pensées contradictoires me consolent alors : être debout à 20m de la scène, n'est-ce pas la meilleure façon d'apprécier cette musique ? Et puis ce trio est si austère qu'il chassera nécessairement les indécis et autres badauds avant le troisième morceau.
Je dois admettre que j'ai perdu mon pari: le public du parc floral n'a pas bougé sauf pour applaudire ou bien tourner les pages des romans d'été qu'il vient ici déflorer. Seconde déception : la musique était belle, certes, pour autant lorsque je fermais les yeux j'avais l'impression étrange d'entendre non pas Misja Fitzgerald-Michel mais plutôt Pat Metheny trio. Il est normal après tout qu'un tel guitariste engendre une série d'épigones mais dans ce cas, parler de clone serait plus juste: le même son que Metheny , le même touché, la même coupe de cheveux (en plus court), les mêmes influences (Ornette Coleman, John Coltrane, ...). Ce jeune guitariste est une caricature, mais le sait-il ?
Pour terminer, je pense après J. -F. Revel que juger une oeuvre d'art ou un artiste nécessite la conjonction de l'oeil (l'oreille) et de la connaissance. En effet on ne peut se contenter de ses sens ou de son intuition pour avoir un jugement critique pertinent, sinon n'importe quel imposteur s'agitant sur une scène pourrait passer pour un pur génie.
Apprécier l'art nécessite d'en connaître un peu l'histoire afin de mieux comparer puis de hiérarchiser les artistes entre eux: les artistes révolutionnaires d'un côté qui inventent réellement quelque chose, et de l'autre les modestes artisans qui leur emboîtent le pas.